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Fribourg

L’histoire d’une conquête

juillet 1935 Photo: Cours d’été de l’organe national pour le suffrage féminin qui s’est tenu à Bulle en juillet 1935. Coorganisé par la Bulloise Agnès Reichlen (2e à droite, 2e rangée), qui donne les premiers signes suffragistes du canton

juillet 1935
Photo: Cours d’été de l’organe national pour le suffrage féminin qui s’est tenu à Bulle en juillet 1935. Coorganisé par la Bulloise Agnès Reichlen (2e à droite, 2e rangée), qui donne les premiers signes suffragistes du canton

Il a fallu des décennies pour faire évoluer les mentalités dans le canton, jusqu’à l’obtention du droit de vote pour les femmes en 1971. L’historienne Monica Fasani Serra met en lumière ces femmes et ces hommes qui ont œuvré au suffrage féminin, décortiquant les arguments et les contre-arguments dont la presse s’est fait l’écho entre 1959 et 1971.

L’Association pour le suffrage féminin fribourgeois a déposé son fonds aux Archives de l’Etat en 1995. L’occasion pour l’historienne Monica Fasani Serra de se plonger dans l’histoire d’une conquête qui a pris des décennies. Entre 1947 et la Fondation de l’Association féministe fribourgeoise (AFF) par la Bulloise Agnès Reichlen. Et 1971 et l’adoption dans le canton du droit de vote pour les femmes.
En l’espace d’une génération, les mentalités ont évolué. Au rythme de l’émancipation des femmes, toujours plus engagées dans la vie économique et mieux armées pour affronter la vie politique. Enhardies par les cours de civisme et d’expression dispensés dans le canton depuis 1953, légitimées par le résultat de la votation de 1969, où les Fribourgeois se prononcent déjà en faveur du suffrage féminin, les citoyennes sortent en quelque sorte de leur chrysalide.
Des comités régionaux se créent, dont celui de la Gruyère, dirigé par la Bulloise Augusta Kaelin, soutenue par le conseiller d’Etat PDC Pierre Dreyer – car l’émancipation féminine c’est aussi et pour commencer une histoire d’hommes et pas forcément de gauche. Celle que l’on surnomme Tuti choisit une représentante par village, qui est chargée d’aborder la population une fleur à la main et un slogan aux lèvres: «Oui de bon cœur, oui pour les femmes».
Ce travail de terrain se révèle décisif dans un district qui, avec la Singine, a fait basculer le canton en faveur du non lors de la première votation, en 1959. Mais les défenseurs du suffrage féminin ne se sont évidemment pas contentés de bouquets et de bons sentiments. Comme le montre la presse fribourgeoise entre 1959 et 1971, les deux campagnes s’articulent autour de quatre arguments majeurs.

Une question de justice
Lors de la première campagne en particulier, les suffragistes mettent en avant le fait que c’est un acte d’équité et de justice que de donner le suffrage aux femmes. Ainsi dans La Liberté du 30 janvier 1959: «Un acte de justice ne peut que profiter au pays tout entier, et rien ne permet de penser qu’il n’aurait d’heureux effets que sur une seule partie de la population au détriment d’une autre.» Alors qu’une antisuffragiste comme Ruth Widmer-Sydler ne voit aucune injustice là-dedans: «La Suissesse est déjà l’égale de l’homme. Elle jouit des mêmes libertés, est soumise aux mêmes lois, bénéficie des mêmes prestations sociales. La carte civique ne lui apportera rien de plus, que des ennuis.»

L’argument religieux
Les deux partis se disputent les citations, notamment de saint Paul. La femme obéira à l’homme! Les deux obéiront à l’Eglise! Bien que les élites religieuses sont en faveur de l’émancipation, déjà en 1959, les églises ne donnent pas clairement leur avis. A l’image de la plupart des partis politiques, les évêques suisses attendent 1971 pour publier un avis favorable.

La culture politique
«Alors qu’au milieu du XIXe siècle les femmes n’avaient nulle part le droit de vote, aujourd’hui 61 Etats dans le monde lui ont accordé l’égalité complète des droits politique», souligne La Gruyère du 13 janvier 1959. Pour les uns, la Suisse doit s’aligner, pour les autres, elle doit rester isolée vu qu’elle est un exemple de démocratie unique au monde.

L’argument économique
A la fin des années 1960, on comptait 756000 femmes exerçant une profession en Suisse. «Ce chiffre doit avoir maintenant très largement dépassé le million. Et nous voudrions laisser ces collaboratrices à l’écart de la vie politique du pays?» interroge La Gruyère à la veille des votations de 1971.
Autant d’arguments qui font mouche, puisque les électeurs fribourgeois, après avoir refusé le suffrage féminin en 1959 par 18700 voix contre 7900, inversent la tendance et offrent enfin la citoyenneté aux femmes par 19400 voix contre 7800.
http://www.lagruyere.ch/archives/2007/07.03.06/fribourg.htm

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